La reprise de nage à la base de la réussite
La reprise de nage à la base de la réussite
2009
Magazine toute la natation n° 82 - juillet 2009
La qualité de la reprise de nage fait partie intégrante de la performance. Les principes physiques montrant qu’il est plus facile de conserver une vitesse plutôt que de la créer, ou l’étude comparative des coulées de Phelps et Van Den Hoogenban publiée précédemment, ne font que la confirmer.
Or , il est curieux de constater que cette stratégie n’est que rarement employée par des nageurs de niveau plus modeste. De ce fait, il devient intéressant de vérifier si cette efficacité dépend du niveau de performance.
Pour cela 5 stagiaires de la formation BEESAN du CREPS de Mâcon ont bien voulu se prêter à une expérience visant à comparer l’évolution et la variation de la fréquence cardiaque sur deux courses : l’une avec leur reprise de nage habituelle, l’autre avec une reprise de nage exagérée. Ces 3 filles et 2 garçons sont d’anciens nageurs de bon niveau (niveau interrégional à national) et leur performance sur 400 m se situe actuellement en moyenne à 4’53" (Tableau 1).
Cette distance de référence de 400 m a été retenue puisqu’il s’agit d’un effort impliquant prioritairement le système aérobie, et donc, de ce fait, laissant le temps à la fréquence cardiaque d’évoluer normalement. Ainsi, l’intensité de l’effort pourra être mise en évidence au travers cette adaptation cardiaque.
Le protocole demandé aux nageurs est le suivant. Il s’agit de nager, après un échauffement libre de 400 m, 8 fois 50m départ toutes les 50 secondes, ce qui devrait laisser approximativement 10 secondes de récupération entre chaque 50 m. Une première série est nagée sans consigne particulière. Une deuxième série, nagée le lendemain afin de d’obtenir une récupération complète, est réalisée avec des reprises de nages exagérées sur 7 mètres. Le temps de reprise de nage était relevé de pied à pied, c’est à dire que le chronomètre se déclenche lorsque les pieds quittent le mur et s’arrête lorsqu’ils passent la ligne des 7 mètres. Durant les 10 secondes de récupération, d’autres stagiaires doivent récupérer la fréquence cardiaque via un cardio-fréquence mètre étanche de type Polar, ainsi que le temps réalisé à chaque 50 m. L’intensité de nage devait être constante, et devait correspondre à leur temps sur 400m, ceci sans et avec reprise de nage exagérée.
Résultats
Les résultats moyens des 5 nageurs montrent que le temps réalisé durant la coulée est de 5, 2 secondes pour la première série et 4,3 secondes pour la deuxième. La consigne d’exagération de vitesse est donc bien respectée.
Le deuxième résultat (Tableau 2) montre que les fréquences cardiaques moyennes des huit 50m et des 5 nageurs sont de 181,5 pour la première série et 179,2 pour la deuxième (Graphe 1). Enfin, de la même manière pour le temps moyen réalisé sur les 50m, la première série a été nagée en 38"06 et la deuxième, en 37"59 (Graphe 2).
Enfin, l’étude des fréquences cardiaques relevées toutes les 5 secondes durant l’épreuve montre que, en moyenne, le 50m nagé avec une reprise de nage élevée, entraîne une stabilisation de la fréquence cardiaque (Graphe 3).
Discussion
Dans un premier temps, l’intensité réalisée par les nageurs, lors de la première série, est en moyenne très élevée puisqu’elle correspond à 95,7% de leur temps actuel. De plus, leur fréquence cardiaque moyenne est de 90,5%. Ceci reste conforme aux attentes dans la mesure où il s’agit d’un travail en fractionné, permettant ainsi d’augmenter la vitesse de nage sans augmenter la fréquence cardiaque. En effet, un travail en continu aurait dû se traduire par une corrélation de ces deux valeurs. La mise en situation correspond donc à une situation de compétition, critère attendu par le protocole.
Ainsi, suite à ces résultats, trois paramètres émergent et demandent à être développés.
- Gain énergétique global
La stratégie basée sur la réalisation d’une reprise de nage rapide implique un ralentissement de la vitesse de nage lors des 18 derniers mètres, puisque la consigne initiale était de réaliser les deux séries à la même allure. Il semblerait donc que cela aurait pour conséquence une diminution de la fréquence cardiaque de 2,3 points, soit 1,7% de la fréquence cardiaque maximale moyenne. Les nageurs passeraient donc, par cette stratégie, d’une intensité correspondant à 90,5% à une intensité de 88,8% . Le pourcentage moyen du rapport entre la Vitesse Maximale Aérobie (VMA), mise en évidence grâce au test navette adapté par G. Cazorla, et le Seuil Anaérobie Lactique Sanguin (SA), est de 83,7% (Tableau 1). Diminuer son intensité de 1,7% devient alors non négligeable puisque l’on se rapproche de cette zone dont la consommation d’O2 et la production d’acide lactique devient équilibrée.
Parallèlement, avec ce coût énergétique diminué, les nageurs ont, malgré tout, nagé plus vite (1,4 seconde plus vite en moyenne). Ceci correspondrait à un gain d’environ 10 secondes sur un 400 pour une fréquence cardiaque plus lente. Le nageur aurait donc la possibilité de nager 10 secondes de mieux sur 400m en étant moins fatigué.
- Gain énergétique pendant chaque 50m
Paradoxalement, une stratégie visant à exagérer la reprise de nage tend à stabiliser la fréquence cardiaque (Graphe 3). Ceci est certainement dû à un travail explosif trop court pour impliquer cette fréquence cardiaque, et la nage lente qui s’en suit permettrait sa diminution, contrairement à un travail en constante accélération ou recherche de vitesse.
- Améliorations supplémentaires
Cette expérience met en action des nageurs non coutumiers à ce type de stratégie. Déjà, dans ces conditions, un gain de performance notable est mis en évidence. Cependant, un travail complémentaire sur une technique de nage « projectile » comme définit par Alain Catteau, c’est à dire une technique de nage cherchant particulièrement à ne pas freiner, permettrait certainement d’accroître ces performances. En effet, une main qui entre dans l’eau avant l’épaule diminuerait sa résistance à l’avancement lors de son allongement. De ce fait, un relâchement maximal lors du trajet aérien serait rendu plus facile puisque la nage est plus lente. Un gainage parfait permettra de garder l’alignement et donc, diminuera la résistance à l’avancement ; ou encore, un travail en hypoxie permettra au nageur de respirer moins souvent, surtout lors de cette reprise de nage, limitant alors les perturbations créées par la rotation de la tête en Crawl par exemple.
L’objectif serait alors de créer un rythme de vitesse de nage, composé d’une partie explosive (coulée et reprise de nage) et d’un relâchement induit par une modification de technique de nage. En effet, la nage passerait d’une action propulsive à une action projectile diminuant le coût énergétique des actions propulsives. Cette deuxième partie demande donc un dosage extrêmement précis sur la vitesse qui doit être maintenue, ni trop lente, ni trop rapide, peut être même progressive au fur et à mesure que l’on se rapproche du mur. En effet, la vague créée lors de la reprise de nage via la création d’une dépression, perd de son efficacité propulsive à partir d’une certaine distance.
Un entraînement visant à développer cette stratégie apparaît donc comme nécessaire. Cependant, les nageurs, durant une période de quelques semaines, sont mal à l’aise. En effet, une impression de manque d’air les perturbe. Il semblerait que ce travail explosif durant 4 secondes à chaque virage déclenche des sensations de manque d’oxygène. Cette phase d’adaptation pourrait peut-être se traduire par un reparamétrage des capteurs de CO2 dont les fonctions sont axées vers l’accélération ou la diminution du rythme cardiaque. En effet, en tant que « terrien », les valeurs de modification sont induites par la vie de tous les jours. De ce fait, au même titre que l’apprentissage change les repères liés à la poussée d’Archimède, ces valeurs de CO2 semblent s’apprendre et donc se modifier par l’entraînement.
Ainsi, imiter la coulée de Phelps demande des prérogatives. Il me semble logique que le nageur devra dans un premier temps, acquérir et automatiser ces rudiments de stratégie avant de se lancer trop rapidement dans la réalisation d’une coulée de 15m, à 50 cm de profondeur et à une vitesse nettement supérieure à la vitesse de nage.
La reprise de nage à la base de la réussite
02/05/13
La qualité de la reprise de nage fait partie intégrante de la performance. Les principes physiques montrant qu’il est plus facile de conserver une vitesse plutôt que de la créer, ou l’étude comparative des coulées de Phelps et Van Den Hoogenban publiée précédemment, ne font que la confirmer.
Or , il est curieux de constater que cette stratégie n’est que rarement employée par des nageurs de niveau plus modeste. De ce fait, il devient intéressant de vérifier si cette efficacité dépend du niveau de performance.